La cloche retentit dans la bâtisse, et annonça la fin du cours. Relativement ponctuel, le jeune professeur Ao ajouta encore quelques remarques avant de conclure son discours :
« Relisez bien le cours pour la prochaine fois. »
Il parcourut la salle sans se presser et ouvrit la porte de la classe en douceur. Un courant d’air passa dans ses cheveux tandis qu’il disait :
« Vous pouvez y aller. »
Aussitôt de nombreux élèves se levèrent et accoururent vers la sortie, tel un troupeau mouton en tabi. Par peur pour son kimono de travail bleu nuit –un des seuls qu’il avait- Nowaki s’écarta de quelques pas et salua les impatients d’un signe de tête. Il reporta ensuite son regard sur sa salle, et réprima un soupir. Les tables basses en bois laqué des élèves se vidaient, et laissaient apparaître des résidus de végétaux sur leur surface. Il l’avait pourtant répété trois fois ! Par trois fois il avait insisté sur l’importance de nettoyer son plan de travail quand l’œuvre était terminée. Mais de toute évidence cela n’avait pas suffit. Des morceaux de feuilles et de tiges jonchaient encore quelques paillasses. Combien de fois faudra-t-il qu’ils le leur répètent pour qu’ils comprennent ? N’était-il pas assez sévère avec ces premières années ? Bah, il aurait tout le temps d’y repenser plus tard. Nous étions encore au début de l’année. Il aurait le temps de voir venir. Mais pour l’heure, ce sera à lui de nettoyer sa classe avant l’arrivé des autres élèves. Lui qui pensait avoir le temps d’aller en griller une, c’était râpé…
Le regard perdu sur ses petits sauvageons, une étincelle se refléta dans son œil vert (l’autre étant caché sous ses cheveux). Ce n’était pas de ces lumières qui illumine les esprits, mais bien une lueur dorée, comme lorsqu’on regarde le soleil à travers une vitre. Peu réactif après cette heure de cours, il mit deux bonnes secondes avant de comprendre ce qui lui arrivait. A moins que l’élève n’ait un fragment de soleil autour du cou, celui-ci portait un bijou. En temps normal cela n’aurait rien eu d’étonnant, mais ici, à la pension c’était interdit. Nowaki trouvait cela un peu stupide, mais la sous-directrice semblait y tenir dur comme fer –tous comme à ses autres règles d’ailleurs- et il ne préférait pas la contrarier. Il chercha donc le petit délinquant des yeux et l’interpella :
- Jeune homme.
N’obtenant aucune réponse significative, il s’avança. Posant sa main sur l’épaule du fuyard, il répéta plus fort, pour couvrir l’écho du couloir :
- Jeune homme ! Attends une seconde avant de partir.

Une heure de cours s'était écoulée. Kin avait parfaitement travaillé, comme toujours. Bon, après tout, il n'a jamais eu de difficultés particulières à l'école. Ses professeurs se plaignaient toujours de son comportement, jamais de son travail. C'était à la fois un bonheur et un malheur pour ses parents. Enfin, pour sa mère et son beau-père qu'il refuse par tous les moyens d'appeler "papa", malgré les nombreuses demandes de sa mère. Mais pour l'instant, le son de la cloche retentit tandis que le professeur conclut son discours :

« Relisez bien le cours pour la prochaine fois. »

Ce que tous les professeurs disaient à la fin d'un cours, soit dit en passant. D'une manière ou d'une autre. Cette phrase sonna donc comme le son de son réveil aux oreilles de Kin, terriblement familière. Nowaki prit tout son temps pour se diriger vers la porte d'entrée et l'ouvrir. Tous les regards furent fixés sur lui. Un courant d'air passa dans ses cheveux aussi blancs que ceux de Kin. D'ailleurs, ce dernier commençait à s'impatienter fortement. Assis à une table au fond de la salle, Kin suivait du regard le moindre mouvement de son professeur. Il dit finalement, d'un ton calme :

« Vous pouvez y aller. »

Ah, la phrase que chacun attendait, elle marquait la fin du cours. Un cours que plus ou moins de monde appréciait, d'ailleurs la salle était majoritairement remplie de filles. C'est vrai que pour les filles, ce cours était obligatoire et pas pour les garçons. Mais, fille ou garçon, tout le monde se précipita vers la sortie, comme si un aimant les attiraient. Les pré-adolescents discutaient entre eux en sortant, parlant du prochain cours ou d'autres choses. Et Kin ne fit pas exception, il rangea ses affaires avec une vitesse impressionnante, sans nettoyer sa table, d'ailleurs, puis se dirigea tout aussi rapidement vers la sortie, accompagnant le troupeau. Il entendit une voix plus mature que les autres, plus grave. C'était celle de sont professeur.

- Jeune homme.

Il tourna donc son regard en direction de la voix. Il vit très rapidement que c'était lui, que son professeur interpellait. Le regard de l'homme était tourné dans sa direction. Quand leur regard se croisa, Kin tourna celui-ci et continua sa route vers la sortie. Manque de chance : son professeur s'avança vers lui et posa sa main sur son épaule. Kin se stoppa donc.

- Jeune homme ! Attends une seconde avant de partir !

Et zut. Pris au piège. Kin laissa échapper un soupir puis, sans se retourner ni même tourner son regard, il interrogea :

« Qu'est-ce qu'il y a sensei ? »

Les sourcils froncés Nowaki en croyait à peine ses yeux. Ce gamin l’avait vu et pourtant, il faisait comme si de rien n’était. Parce qu’il croyait vraiment pouvoir s’en tirer si facilement ? Non mais franchement, même à son âge il était plus futé que ça ! Le professeur lui attrapa l’épaule pour le faire s’arrêter. Tout de même, il n’allait pas lui courir après dans toute la pension. Le jeune garçon s’immobilisa enfin, mais ne daigna même pas se retourner. Et bien ! En voilà un qui jouait les récalcitrants ! Comme c’était mignon. De tout évidence, il n’avait-il pas encore compris où il avait mis les pieds. Ce serait donc à Nowaki de lui apprendre ? Pas de problème… Enfin c’était un peu idiot tout de même. Lui qui pensait y aller doucement pour cette fois risquait fort de changer d’avis si ce gosse jouait les têtes dures. Il commença ainsi par lui agripper fermement le bras, et l’obligea à pivoter face à lui.
- On ne tourne pas le dos à un professeur qui vous parle ! C’est très malpoli.
Sans relâcher sa prise, il s’accroupit dans un froissement d’étoffes, et détailla l’élève. Il voulait retrouver son nom. C’était toujours plus percutant quand on s’adressait à quelqu’un en l’interpellant directement. Des cheveux blancs, les yeux rouges et des marques de brûlures… ce n’était pas commun. Avec un minois pareil, il devrait forcément s’en souvenir ! Ca devait bien l’avoir marqué. C’était quoi déjà ? Kazuo ? Non… Kiro ? Non plus… Jin, Kin ? Peut-être… mais il était incapable de choisir entre ces deux là. Il avait toujours un doute. De toute manière, il trouvait même impossible de se souvenir précisément de toutes ses têtes dés les premiers cours ! Comment faisaient ses collègues ? Lui, il aurait eu besoin de parler avec chacun d’entre eux pour imprimer le bon visage et le bon nom dans sa petite tête.
Outre l’identité exacte du jeune homme, Nowaki recherchait l’étincelle qu’il avait vu quelques secondes plus tôt. Il était sur que c’était lui. C’était lui qui avait quelque chose de brillant. Quelque chose qu’il n’aurait pas du avoir. Alors, pour prolonger son examen il demanda innocemment :
- As-tu lu le règlement au moins ?

Et c'était parti, Nowaki lui agrippa fermement le bras et fit tourner Kin dans sa direction. L'apprenti Kyûdôka ne put s'empêcher de pousser un léger « aïe ... », c'est vrai que la poigne de son professeur était assez puissante. Il tenta de résister, mais ceci ne se vit même pas vu la différence de niveau. Il se retrouva donc face à Nowaki, avec un air surpris. C'est vrai qu'il ne s'attendait pas à ce qu'il le fasse tourner ainsi. Ce dernier s'adressa à lui :

- On ne tourne pas le dos à un professeur qui vous parle ! C’est très malpoli.

Kin n'ajouta rien. Il continua de fixer son professeur droit dans les yeux. Il n'avait d'ailleurs toujours pas compris pourquoi il l'avait interpellé, mais bon. Il étaient à présent seuls dans la classe, tout le monde était parti. Pourquoi l'avoir fait stopper lui en particulier ? C'est vrai qu'il se demandait ce qu'il avait fait de si mal, d'autant plus qu'il avait eu une attitude irréprochable en classe …

Nowaki s'accroupit pour arriver à sa hauteur. Il le dévisageait d'une manière étrange, comme s'il tentait de se souvenir de quelque chose à son sujet. Kin ne bougeait pas, il s'interrogeait juste sur l'identité de son professeur, il avait oublié son nom … Bah, il pouvait toujours l'appeler « sensei », ça ne choquerait pas. Ca peut passer …

- As-tu lu le règlement au moins ?

Et non, il ne l'avait pas fait … Il s'était dit que le règlement était comme partout ailleurs, qu'il était donc inutile de perdre son temps à lire une telle chose pour au final retrouver le même règlement que dans n'importe quel pensionnat. Visiblement, il avait tort. Mais pour éviter de se faire réprimander, il allait devoir mentir … Qu'avait-il fait de si mal ?

« - Bien sûr, comme tout le monde ! »

Déclara-t-il en baissant son regard vers la gauche pour ne plus fixer son professeur. Pourquoi lui demander une telle chose ? Après tout, il n'avait absolument rien fait, à part fuir quand Nowaki l'avait appelé, mais bon, c'était autre chose …

Kin parut surpris par la force du professeur. Celui-ci se sentit un tantinet coupable. Il fallait dire qu’il n’avait plus l’habitude d’utiliser ses muscles. Peut-être ne se contrôlait-il plus complètement ? Il faudrait sans doute qu’il y soit vigilent, mais il n’allait pas pour autant se morfondre. Ce n’était pas comme s’il l’avait violenté ce petit. Quelque part, c’était tant mieux s’il était surpris, cela le dissuaderait probablement de vouloir jouer les durs devant ses enseignants.
Ainsi Nowaki songeait tout en promenant ses yeux dans le col du garçon. Ce n’est qu’à la suite de son observation approfondie –ou plutôt ralentie- qu’il trouva ce qu’il cherchait. Les maillons de la chaine brillaient autour du cou. Il afficha un rictus victorieux. Il ne s’était pas trompé. Cet élève était bien en train de transgresser les règles, et il était de son devoir de le remettre dans le droit chemin ! Il ne pouvait pas le laisser filer après avoir vu une telle chose ! Empli de ce sentiment de justice superflu, il se redressa de toute sa hauteur et toisa le kyûdoka du regard. Celui-ci affirmait avoir lu le règlement. Oh le doux mensonge ! Comme tout le monde disait-il, mais tout le monde ne l’avait pas lu. C’était évident. Sans doute que lui-même ne l’aurait pas fait à sa place. Mais ce n’était pas une raison. Nowaki croisa les bras sur son torse, et réfléchit rapidement. L’enfant restait calme, innocent et ne broncha pas face à son inspection. Le jeune professeur n’avait, par conséquent, aucune raison de se montrer trop sévère avec lui. Nous n’étions encore qu’en début d’année. Il était normal à cette période que tous les nouveaux venus n’aient pas encore assimilé toutes les restrictions de la pension. En outre, ce n’était pas son intention. Il devait cependant lui faire comprendre la rigueur des lieux. C’était son rôle en tant que professeur. Cela il le savait, il l’avait bien comprit. Il prit alors une voix plus grave que d’ordinaire et déclara :

- Dans ce cas, tu dois savoir que les objets de valeurs –et donc les bijoux- sont interdits ici. Je vais devoir confisquer cette chaine que tu portes autour de ton cou.

Sur ces mots, il tendit lentement la main, pour que son élève y dépose son collier. D’une voix plus radoucie, il rajouta :

- Tu la récupèreras plus tard.

Il ne quitta plus le garçon du regard, et restait bien droit devant lui. Il était évident que cela ne lui plairait pas, mais il devrait s’y faire. Nowaki en attendait gardait son sérieux aussi neutre que possible, pour ne pas le perturber. Il faisait respecter les règles, rien de plus.

Nowaki tendit la main de manière à ce que Kin y dépose son collier. Celui-ci, plutôt importuné par la demande du jeune professeur d'Ikebana, ré-orienta son regard sur la main de ce dernier. De quel droit osait-il lui arracher le seul souvenir qu'il lui restait de son père biologique ?! Il tenait à ce collier comme à la prunelle de ses yeux. De toute évidence, il ne pourrait pas s'en séparer. Il mit ses mains à sa nuque et ouvrit le verrou qui servait à faire tenir la chaîne. Il gardait le bijou dans ses mains. Quelques secondes d'hésitation s'étaient écoulées avant qu'il ne déclare :


Encore une de ces paroles qu'il prononce comme ça lui venait, sans réfléchir. Ah, ça c'était du Kin tout craché. Enfin, ces phrases devenaient de plus en plus régulières … Généralement, il n'était pas aussi têtu avec ses professeurs, mais plus avec ses camarades. Mais, au final, il n'appréhendait même pas la réaction de son professeur, tout ce qu'il voulait c'était garder son bijou, même s'il se doutait que son professeur n'en resterait pas là. Il prit son collier et le mit dans la poche droite de son pantalon, de manière à faire comprendre qu'il ne lui donnerait pas.

Il est hors de question que tu ais mon collier …

Pensait-il en fronçant les sourcils, fixant froidement Nowaki dans les yeux avec une pointe de défi. Il se doutait que, de toutes manières, il lui prendrait par la force, mais l'ancien matelot n'avait aucune idée de l'importance de ce bijou. Du point de vue de Kin, cette règle était stupide, comme toutes les autres, sans doute. Mais ça il ne le savait pas, puis ce qu'il ne s'était même pas pris la peine de jeter un coup d'oeil sur le règlement … Mais à partir de là, il s'était juré que, même s'il devait se faire renvoyer, il était hors de question que Kin ne lui donne son précieux bijou … Règlement ou pas !

Nowaki restait calme et gardait sur son élève un regard sérieux, mais avec une lueur particulière. Il voulait garder une étincelle compréhensive, comme pour lui dire qu’il comprenait ce qu’il ressentait mais qu’il n’avait pas le choix. Comme un élan de compassion, pourtant peu habituel chez lui. Il était plutôt du genre à garder son sérieux et ne pas se laisser perturber, ayant juste ce qu’il faut d’amicalité, pour ne pas paraitre trop froid. Mais aujourd’hui, sans doute était-il d’une humeur meilleure. Ou peut-être était-ce ces jeunes enfants qui finissaient par l’attendrir ?
Enfin, il attendit tranquillement pendant que le garçon fixait sa paume ouverte et défaisait lentement le fermoir de son médaillon. Il était réticent, cela sautait aux yeux, mais l’ancien marin ne s’en offusqua pas. Ce n’était pas un mauvais bougre, juste un gamin qui avait besoin d’un bon cadre pour grandir. Comme beaucoup d’autres d’ailleurs. Cela aurait presque fait sourire le grand homme en souvenir de son propre passé, s’il n’avait tenu à garder cette allure responsable. Oui, il pensait sincèrement que cet albinos allait docilement lui obéir. Toutefois, après quelques secondes sans bouger, il commença à avoir des doutes. Ceux-ci se confirmèrent lorsque son élève affirma catégoriquement son refus, en prétextant que son bijou ne lui serait pas rendu.
Nowaki abaissa subitement sa main, le poing serré. Il s’était montré patient jusque là, mais il ne supportait pas qu’on remette sa parole en doute. Jamais. S’il y avait une chose qui pouvait le mettre hors de lui, c’était bien ça. Ce n’était qu’une petite phrase, pourtant elle fit naitre chez le professeur une pulsion qu’il ne sut refouler :

- Tu oses remettre en question la parole de ton professeur ? Vociféra-t-il sur un ton plus accusateur qu’interrogatif.

Une seconde plus tard, il croisa les yeux défiants du jeune homme, mais lui ne scia pas. S’il s’était énervé un instant plutôt, il ne voulait plus se laisser aller, considérant même qu’il n’aurait pas du réagir comme ça. Des élèves risquaient de les entendre du couloir, et il n’avait pas besoin d’une bande de curieux, collés à la porte de sa classe. Seuls ses sourcils froncés témoignèrent alors de son mécontentement. Il l’avait vu mettre l’objet dans sa poche, mais ne l’avait pas arrêté. Il soupira juste. Il ne voulait pas faire usage de la force, pas tout de suite. Au lieu de ça, il reprit sur un ton plus calme mais non moins sévère :

- Je n’ai aucune raison de garder ce qui t’appartient. Maintenant, sois gentil, donne-moi ce bijou.

Sur ces mots il tendit de nouveau sa main, et darda sur l’élève un regard appuyé, insistant. S'il ne lui donnait pas tout de suite, il devrait lui prendre de force. Ça ne lui plaisait pas vraiment, mais après tout, l'élève finirait bien par s'en remettre. De plus, il valait mieux que ça lui arrive maintenant qu'avec d'autres professeurs moins conciliants. Mais ça de toute évidence, le petit l'ignorait.

- Tu oses remettre en question la parole de ton professeur ?

Rétorqua-t-il, agacé. Kin ne fit rien, ne dit rient et ne bougea pas d'un iota. Comme si cette phrase n'avait jamais été dite, comme s'il n'avait pas entendu. Ah, il aurait dû se douter que ce genre de situation risquait d'arriver, il n'avait pas été intelligent pour le coup. Mais c'était trop tard, la seule chose qu'il lui restait à faire c'était tenir tête à Nowaki. Il garderait ce médaillon à jamais, à moins qu'il ne retrouve son père. Mais ça, c'était une chose peu probable, voir impossible. Il garda le même regard, les sourcils froncés. Mais au fond, il n'était pas peu fier d'avoir réussi à faire perdre son sang-froid à son professeur, lui qui semblait si calme … Ah, enfin. Nowaki, quant à lui, fronça également les sourcils afin de témoigner de son mécontentement. Kin n'allait pas obéir ainsi, bien qu'il avait hésité à lui donner son médaillon, quelques instants plus tôt … Après avoir soupiré, Nowaki reprit :

- Je n’ai aucune raison de garder ce qui t’appartient. Maintenant, sois gentil, donne-moi ce bijou. 

Dit-il en reprenant son sang-froid, tendant la paume de sa main au petit. Non mais qu'est-ce qu'il croyait celui-là ? De toute évidence, l'albinos n'allait pas en rester là. Et si c'est ce que ce professeur d'Ikebana croyait, il avait faux sur toute la ligne ! Il était évident qu'il ne lui remettrait pas de son plein gré, il avait beau insister, Kin ne semblait pas décidé à lui donner quoi que ce soit.


Dit-il en le sortant de sa poche, le raccrochant autour de son cou. Quelle histoire, pour un médaillon, tout de même …

Un gamin bien trop têtu ! Voilà ce qu’était Kin. Dire que le jeune professeur voulait se montrer indulgent, et compréhensif. Son ingrat d’élève n’y voyait rien. C’était exaspérant. Nowaki soupirait de voir le jeune homme passé à côté d’une telle occasion, qui ne se représenterait sans doute jamais. Que les enfants pouvaient se montrer stupides parfois ! Pas capable de saisir la chance qui leur pend au nez, sous prétexte qu’ils ont leur petit caprice. Ah lala… ils avaient encore beaucoup à apprendre… C’était la réflexion que ce faisait l’adulte des lieux, tandis que sa colère laissait place à une lente lassitude. Cette fois, finit la patience, il n’avait plus de temps à perdre avec ce petit importun. S’il ne lui donnait pas tout de suite ce qu’il lui demandait, il lui prendrait de force, un point c’est tout. Il n’allait tout de même pas se laisser mener par le bout du nez par un mioche de dix ou onze ans tout de même ! C’était lui le professeur, c’était à lui qu’on devait obéir à présent. Il était temps que ce jeune homme le comprenne.
Cependant, le jeune homme plus borné que jamais réitéra son refus d’obtempérer. L’Imbécile fit même preuve d’une arrogance qui signa sa défaite. En effet, non content de désobéir une seconde fois, le garçon eut même l’audace de ressortir le bijou de sa cachette pour le remettre autour de son cou. Ah ! Le pauvre ! Il aurait mieux fait de prendre ses jambes à son cou et de fuir loin. Il aurait eu certainement plus de chance de le garder qu’en agissant ainsi.
Tandis que ses doigts s’agitaient dans sa nuque, Nowaki avança d’un pas, et d’un geste vif saisit ses deux mains avec l’un des siennes. Sous la surprise –et peut-être même la douleur- le garçon lâcha enfin son médaillon, qui atterrit dans la paume libre du plus grand. Celui-ci agita son poignet pour enrouler la chaine autour de son poing et le referma net sur son trésor. Ici, nul ne pourrait l’en extirper sans l’accord du propriétaire. Les yeux sévères penchés sur l’élève, il déclara d’un ton calme mais suffisamment catégorique pour faire taire les éventuelles protestations :

- Tu as perdu. C’est finit.
Après cela, il laissa courir une seconde de silence et il libéra les bras du garçon toujours maintenus derrière sa tête. Puis il ajouta, toujours sur le même ton :
- Je te le rendrais quand tu sauras rester calme. Maintenant files, si tu ne veux pas que je te colles !

Il mit ses mains dans son dos, et attendit de voir déguerpir ce chenapan, dont il se promit d’apprendre le nom pour leur prochaine rencontre.

Zut. Avant même que le petit ai eu le temps d'accrocher son médaillon, Nowaki immobilisa ses mains et prit le bijou. En même temps, il n'avait pas été intelligent d'agir ainsi, mais il refusait strictement qu'on l'ordonne de donner une chose à laquelle il tenait. Ce médaillon était l'une des seules choses qu'il veuille protéger à ce point. Mais Kin céda sous la douleur et lâcha la chaîne en gémissant. Nowaki lui faisait assez mal en serrant ses mains ainsi. Il céda aussi afin qu'il le lâche. Le professeur d'Ikebana prit le bijou dans son autre main et déclara :

- Tu as perdu. C'est finit.

Ah, ce que la défaite pouvait être désagréable … Il avait horreur de perdre. C'est sûrement pourquoi il est aussi têtu … ? Mais de toutes manières, ça ne pouvait pas durer éternellement. Mais il allait sûrement vouloir se venger, le connaissant. Mais pour le coup, Kin ne protesta pas, après tout que voulez-vous qu'il dise … Nowaki lâcha alors les mains de l'albinos, qui posa une de ses mains sur sa brûlure au coup et mit l'autre dans sa poche, puis écouta son « sensei » dire de la même manière :

- Je te le rendrais quand tu sauras rester calme. Maintenant files, si tu ne veux pas que je te colles !

Kin abaissa son regard en haussant les sourcils, sous le regard sévère de son professeur. Cette fois, il avait perdu non seulement son médaillon, mais aussi la confiance de Nowaki. Enfin, c'est ce qu'il croyait. Mais bon, sa confiance ne lui était pas tellement importante. Il soupira, puis déclara sur un ton triste :


Il se retourna, se dirigea vers la sortie puis s'en alla, le moral à zéro.

Quand il le relâcha, le petit albinos mit une main sur son cou et l’autre dans sa poche. A croire que son médaillon lui manquait déjà. Il devait sacrément y tenir pour se mettre dans un tel état. Nowaki aperçut ses sourcils hauts et sa tête basse, rentrée dans ses épaules. L’enfant se renfermait sur lui-même, et dégustait le goût amer de sa défaite. Sa déception était palpable. Il était cependant trop tard pour y faire quelque chose. Il n’aurait pas du s’obstiner autant. La chute aurait été moins douloureuse. Mais que voulez-vous, c’est ainsi qu’on apprend parfois…
L’élève abdiqua en deux mots et se retourna l’air triste. Si son professeur en était touché, il n’en montra rien, et le suivit jusqu’à la sortir, sa démarche toujours aussi droite. Lorsque le plus jeune se fut éloigné de quelques pas, le professeur referma la porte coulissante. Ses épaules retombèrent et il se laissa aller à un soupir. Devoir utiliser ses muscles sur ses élèves le mettait toujours mal à l’aise. Ne pratiquant plus de sport régulier, il avait peur de ne pas savoir se contrôler, et de leur briser quelque chose sans le savoir. Après tout, certains d’entre eux étaient encore si jeune !

Tout de même, il y avait de sacrée tête de mules dans les élèves, pensait-il en se retournant vers l’intérieur de la pièce. Son regard aperçut les petites tables encore sales, et une certaine lassitude s’afficha sur son visage. Avant de s’occuper de cela, il rejoignit son bureau, s’y assit en tailleur, et déroula la chaine autour de ses doigts. Le pendentif oscilla légèrement au niveau de ses yeux, et il l’examina avec attention. « Ao No » étaient les deux caractères qui figuraient sur la petite plaque dorée. Il n’y avait pas la place d’en mettre plus. De minuscules rayures marquaient les bords, et témoignaient des années d’existence du bijou. Etrangement, l’objet lui semblait familier. Il retourna la plaque, et regarda au dos. Une marque y était inscrite. Nowaki écarquilla les yeux pour bien voir. Non, impossible ! C’était….

A suivre...

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